dimanche 25 août 2013

Chapitre 2.

• Allez, un peu d’espoir. •

Je restais planté là, devant cette énorme porte en bois. Au dessus du heurtoir, sur une plaque dorée, on pouvait lire ”Nathalie Deschamps, Psychologue - Psychothérapeute”.
Maman avait insisté pour m’accompagner, mais j’avais refusé. Je tenais à y aller seule. Je m’y étais rendue a pied. J’avais marché une bonne heure. J’aurai pu prendre le métro mais ces derniers temps je ne supporte plus de voir des gens, alors être collée à des inconnus non merci. En plus de ça, il pleuvait, et je trouve les balades plus agréables quand il pleut. Enfin, si on peut appeler ça une balade. Ça fait dix bonnes minutes que je suis là, fixant cette plaque dorée à travers laquelle je peut voir mon visage terne et mes cernes creuses. Je fais peur. 
La porte s’ouvre et un homme sort de là, avec un sourire jusqu’aux oreilles. Le genre de sourire forcé, je les connais bien ceux là. Je fais un pas en arrière pour laisser passer ce drôle de monsieur. C’est une jolie dame qui lui tiens la porte et lui dit “A la semaine prochaine Monsieur Fernandez!” Ça doit être la psy, la fameuse Nathalie Deschamps. Ça y est, maintenant je suis obligée d’y aller. J’aurais dû me tirer avant. Elle me demande “Vous attendez quelqu’un?” 
- “Euh.. J’ai rendez-vous.” déclaré-je.
Elle m’invita à entrer. Elle me montra la salle d’attente, et me demanda de patienter le temps qu’elle passe un coup de fil. Il y avait deux personnes dans la salle. L’une d’entre elle avait un casque sur les oreilles, était recroquevillée sur sa chaise, tenait ses jambes et avait sa tête entre les genoux. L’autre patient était aveugle apparemment. Il portait de grosses lunettes noires et un énorme chien était couché à ses pieds. Qu’est-ce que je foutais là? Même si au départ c’était mon idée, maintenant que j’y suis je me demande bien ce que je vais pouvoir lui raconter. Je n'ai pas envie de passer pour une cinglée. Je ne suis pas une cinglée. 
“Lena Guerin, c’est à vous.” me dit-elle, en se tenant droitement devant la porte de son cabinet. Je me lève et la suit donc timidement. Je n’avais jamais mis les pieds chez un psy. Je m’attendais à voir une immense pièce avec une sorte de canapé où j'aurai dû m'allonger pendant qu’elle m’écoute parler seule, assise sur sa chaise, calepin et stylo en main. Enfin, ça c’est ce que l'on voit dans les films. Mais là, c’était différent. C’était une grande pièce aux murs blancs, avec un mobilier très moderne. Il y avait de grandes lampes, et un porte manteau. Un bureau en verre, où tout était à sa place. Il y avait deux grands canapés blancs, le genre qu’on met dans nos salons. Il y avait une petite table basse en verre, assortie avec le bureau, sur laquelle il y avait une boite de bonbons colorés. La table basse séparait les deux canapés, positionnés l’un en face de l’autre. Le parquet était en bois clair, il y avait plusieurs plantes vertes reparties dans toute la pièce, et un grand tapis beige délimitait l’espace où se situait les canapés et la table basse. Elle me débarrassa de mon manteau, encore trempé par la pluie, et m’invita a m’asseoir. Elle s’essaya en face de moi, sans rien dire. Elle me fixait en souriant, ce qui avait le don de me mettre mal à l’aise. Je détournais les yeux, ne sachant pas où poser mon regard. Je regardais mes pieds, entremêlant mes doigts. “Vous n’êtes pas censée dire quelque chose?” lui dis-je. “C’est plutôt à moi de te dire ça Lena.” rétorqua t’elle, avec ce sourire permanent sur son visage. Ça ne paraissait pas hypocrite. Elle avait l’air gentille. Mais tout le monde à l’air gentil à première vue. C’est ce que j’ai appris depuis ce qui s’est passé..

samedi 24 août 2013

Chapitre 1.

• Sur un air d'abandon. •

Il est 6h du matin et je n'ai pas dormi de la nuit. J'entends le réveil de mon frère sonner, et comme à son habitude il prends un bon quart d'heure à se lever. Il mobilisera ensuite la salle de bain pendant une bonne demie heure. D'habitude c'est ce qui me fait criser dès le matin, mais pas ces derniers temps. Ça fait deux bonnes semaines que je ne vais plus en cours, que je ne sors pas de chez moi, et pas même de mon lit. Ma distance la plus longue parcourue dans la journée est la distance qu'il y a entre les toilettes et ma chambre. Je n'ai pourtant pas de maladie apparente, non j'ai même l'air d'être en très bonne santé. J'imagine qu'au lycée ça doit bien jaser. Ça leur fera un sujet de conversation au moins. C'est d'ailleurs assez drôle de voir que ces idiots se soucient de mon absence alors qu'ils remarquaient à peine ma présence. Ça doit surement être dû a ma sortie théâtrale si je puis dire. Je regrette d'ailleurs de ne pas être partie comme j'étais venue : invisible. Il faut dire qu'à ce moment là ce n'étais pas ce qui me préoccupait le plus. C'était un Vendredi matin. Le 23 Novembre pour être plus précise. J'avais cours d'allemand avec Monsieur Schmidt. Je ne me sentais pas bien. Ça devait se voir parce que même Emmaa m'avait laissé la place à côté de la fenêtre, et ce sans ronchonner. J'aime bien la place a côté de la fenêtre. Tout d'abord parce qu'il y a le radiateur et que j'ai toujours les mains gelées, et aussi parce que c'est plus discret pour envoyer des textos, mais surtout parce que je préfère regarder le ciel plutôt que d'écouter les cours de Monsieur Schmidt. Au début ça allait, mon mal-être était supportable, et je pensais pouvoir contrôler tout cela mais ça changea très vite. C'est comme si mon cerveau s'était mis à faire attention à chaque petit bruit de la classe, tous plus agaçant les uns que les autres. Le bruit des pas de Monsieur Schmidt qui allait et venait le long des rangs avec ses chaussures qui émettaient un petit couinement insupportable. Le bruit du stylo plume d'Emma qu'elle faisait machinalement taper sur la table. Les rires insupportables des deux filles de derrière. Le son que faisait la craie en contact avec le tableau et le fait que Florian ne soit même pas capable d'écrire droit. Et ma mère qui m'envoyait des tas de messages tels que "tu finis à quelle heure?" ; "je ne serais pas à la maison ce midi" ; "ne traîne pas trop après les cours"; "tu vas bien?" - "non, viens me chercher s'il te plait."
J'avais un noeud au ventre, une boule dans la gorge, cette sensation de manquer d'air, d'avoir envie de crier mais de vouloir disparaître en même temps. Rien n'allait plus. Je tremblais de partout, j'avais envie de vomir, de pleurer, encore pleurer. Je voulais juste sortir de cette classe, quitter cet endroit. 
"Je suis en bas, à la loge. Demande a ton professeur de sortir." Sans attendre, je me mis à ranger mes affaires. Emma, étonnée, me mentionna qu'il nous restait encore une bonne demie heure de cours.  Je ne l'écoutais pas. Je n'avais pas envie de parler, ni même de répondre. Les gars de devant se retournèrent et me demandèrent ce que je foutais. Je leur aurait bien dit de me foutre la paix, mais même ça j'en avais pas la force. J'étais debout, enfilant ma veste, enroulant mon écharpe autour du cou. Monsieur Schmidt arriva vers moi " Puis-je savoir où vous allez Mademoiselle Guerin?" J'avais presque oublié qu'il y avait un prof dans cette salle. "Ma mère m'attends à la loge, Monsieur. Je rentre chez moi." Sans en demander plus, il me dit de l'attendre qu'il aille prendre son manteau. Emma me demanda doucement "Tu es certaine que tout va bien?" -"Oui, bien sur que tout va bien, je t'expliquerais. On s’appelle de toutes façon." Monsieur Schmidt confia la classe à Adrien et il m’ouvrit la porte en m'invitant à sortir. Je n'allais pas me faire prier. En descendant les escaliers qui mènent à la loge, il me demanda doucement "Tu vas bien?" et n'entendant pas de réponse il ajouta "Tu sais, j'ai peut-être beaucoup d'élève mais j'ai remarqué que ces temps ci tu n'étais pas au top de ta forme.. C'est l'expression que tu as quand on te regarde. Ce n'est peut-être qu'une petite dépression. Tu sais.. ça passera. Tout finit par passer."
Une dépression. Dépression. Ce mot résonnait dans ma tête. Pourquoi avait-il dit ça? Au début, ça me paraissait absurde. Il m'a fallut du temps pour comprendre.